



À quelques jours des fêtes de fin d’année, l’imaginaire que cette période suscite nous invite à nous réfugier auprès d’un feu de cheminée ou d’une source de chaleur pour affronter les températures hivernales. Pourtant, 74 % des Français déclarent aujourd’hui limiter leur consommation de chauffage pour alléger leurs factures. Ce chiffre est symptomatique de la nouvelle donne à laquelle nos sociétés doivent s’adapter : celle de nos dépendances énergétiques, dans un contexte géopolitique de plus en plus instable, mais aussi celle du changement climatique, qui nous incite collectivement à nous tourner vers une consommation plus efficiente et plus propre.
Dans ce contexte, les opérateurs que nous sommes doivent permettre d’apporter des réponses à ces enjeux, en équipant les villes et les quartiers que nous aménageons de systèmes de chauffage urbain capables à la fois de réduire la facture énergétique et de maintenir un niveau de confort suffisant. Parce qu’il intervient sur des projets d’ensemble, l’aménageur est en capacité de penser le chauffage à la bonne échelle, en lien étroit avec la programmation, le foncier, les réseaux et les usages. C’est en mobilisant l’ensemble des acteurs d’un projet que des choix mutualisés et ambitieux peuvent être construits.
Dans ce numéro de Cartes sur table, vous découvrirez ainsi comment, dès l’Antiquité, des quartiers entiers étaient équipés de systèmes collectifs ingénieux, et comment, aujourd’hui, les aménageurs parviennent à concevoir des quartiers à énergie positive, en s’appuyant notamment sur des outils d’optimisation particulièrement efficaces, mais aussi sur une analyse précise du potentiel de chaque territoire, parcelle par parcelle.
Nicolas Gravit – Président de l’UNAM

L’optimisation de la stratégie énergétique d’un projet d’aménagement, qui vise à la fois la sobriété énergétique des bâtiments et des usages – le chauffage est un des enjeux -, l’efficacité des systèmes énergétiques, et la maximisation du taux d’EnR&R, doit, pour bien faire, inclure plusieurs étapes :
En premier lieu, identifier et quantifier dynamiquement et de façon exhaustive tous les gisements EnR&R au sein du périmètre du projet et à proximité ;
Puis optimiser le mix énergétique du projet dès que la programmation est arrêtée ;
Et enfin modéliser les besoins énergétiques des bâtiments dès que le plan masse (ou une hypothèse de plan masse) est arrêté. Ce travail doit inclure le chauffage, l’eau chaude sanitaire, la climatisation, ainsi que l’électricité spécifique, et être fait de manière suffisamment fine et dynamique (i.e. au pas de temps horaire sur une année).
C’est ainsi que l’on accompagne depuis plusieurs années aménageurs et collectivités comme Toulouse par exemple pour laquelle l’alimentation en énergie thermique du quartier Matabiau sur un projet mixte (neuf et existant) a été étudiée.
Michel Salem-Sermanet – Directeur général chez Efficacity

3 projets (à copier?) – Dijon a été choisie comme ville pilote pour l’Europe, avec Turku en Finlande, dans le cadre du programme européen Response qui vise à développer les villes neutres en carbone. La cité bourguignonne a inauguré au printemps le premier « quartier à énergie positive de France. Penser global, consommer local : une autre façon d’envisager la souveraineté.
À Paris, le quartier Clichy Batignolles montre comment l’aménagement peut intégrer une stratégie énergétique ambitieuse, fondée sur des énergies renouvelables et un pilotage fin des consommations. L’aménageur y joue un rôle central, en coordonnant les acteurs et en suivant la performance réelle pour tenir les objectifs « énergie-climat ». (Institut Paris Region)
L’incinérateur du Syctom et la chaufferie CPCU, font du quartier des Docks à Saint-Ouen le premier pôle de production de chaleur en Île-de-France : 52% de l’énergie nécessaire au fonctionnement du réseau y est produite. Desservant près d’1 million de personnes, le CPCU constitue le premier réseau de chaleur en Europe. Cette implantation à Saint-Ouen ne doit rien au hasard. Il s’agit d’un pôle énergétique historique, qui a accueilli la “plus grande centrale électrique du monde” dans les années 1910. (Les Echos)

« Perdre » des heures (vous êtes prévenu) à explorer cette carte passionnante pour gagner du temps et des projets ? Le site gouvernemental France Chaleur Urbaine propose une carte géniale, qui permet de visualiser les « communes à fort potentiel pour la création de réseaux de chaleur ». C’est le premier étage de la fusée. Les autres ? La possibilité de superposer à cette carte les « zones à urbaniser », les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les communes couvertes par une étude pour la création de réseaux… Le réseau de chaleur, une nouvelle porte d’entrée dans la prospection foncière ?


À un ami avocat – Les aménageurs doivent respecter des obligations spécifiques en matière de raccordement au chauffage, notamment aux réseaux de chaleur urbains (RCU) classés, pour les projets situés dans les zones concernées. Ces règles visent à promouvoir les énergies renouvelables et de récupération. L’obligation s’applique par bâtiment ou installation dès 30 kW de puissance thermique. La réglementation repose principalement sur le Code de l’énergie (articles L712-1 et suivants) et la RE2020. Vérifiez les PLU locaux et cartes RCU pour les contraintes spécifiques par commune…
Depuis la loi MAPTAM, du 27 janvier 2014, toutes les métropoles sont en charge de la problématique énergie.

Quand il fait -20°C… – Retour en Finlande. Helsinki va se doter de la plus grande pompe à chaleur au monde pour décarboner son réseau de chauffage urbain. Cette pompe à chaleur air-eau, capable de fonctionner jusqu’à -20°C, alimentée par de l’électricité renouvelable, chauffera environ 30 000 logements à partir de fin 2026. Le projet permettra d’éviter environ 26 000 tonnes de CO₂ par an et contribuera à l’objectif de neutralité carbone d’Helsinki en 2030.
La pompe à chaleur en question :


Dégivré – Les animaux domestiques étaient-ils nos premiers radiateurs ? Dans les fermes, les animaux ont longtemps été mis à contribution pour chauffer les humains l’hiver. Vous souhaitez connaître combien de watts dégage une vache ? C’est dans ce post LinkedIn.
Du foyer ouvert aux réseaux de chaleur contemporains, le chauffage des logements raconte quoi qu’il en soit une longue histoire d’innovations. Le site de la BnF nous plonge dans plusieurs siècles d’évolution et rappelle qu’un des tout premiers systèmes, dès l’Antiquité, était déjà d’une grande ingéniosité : le chauffage par le sol. Utilisé dans les grandes villas et les thermes, ce dispositif permettait de faire circuler l’air chaud sous les dalles et d’atteindre près de 30 °C.

74%
Le chiffre trop élevé – C’est la proportion de Français qui disent limiter leur consommation de chaleur pour alléger leurs factures. Trois Français sur quatre, un niveau presque aussi élevé qu’au plus fort de la crise énergétique de 2023. (We Demain). Vite, des logements efficients !
![]()

Qui consomme trop ? – Est-ce que cela vaut vraiment le coup de réduire l’utilisation de son lave-linge ? Et combien consomme un sèche-linge ? Tous les appareils ménagers ne sont pas égaux. Et le chauffage électrique domine le classement des plus gourmands… (Le Figaro)


« L’État occupe aujourd’hui environ 97 millions de m², pour un coût de 11 milliards d’euros par an et des émissions de 2,6 millions de tonnes de CO₂. Ce patrimoine est donc un levier puissant de transition pour les territoires. Nous sommes tenus par des objectifs ambitieux : le décret tertiaire, bien sûr, mais aussi des directives européennes qui nous imposent une réduction de 1,9 % des émissions chaque année et la rénovation de 3 % des surfaces. Si nous respectons cela, nous serons conformes aux objectifs de neutralité carbone à horizon 2050. L’État vise à réduire son emprise immobilière de 25 % en dix ans, soit 5 millions de m². »
Alain Resplandy-Bernard, ancien directeur de l’immobilier de l’État (Envies de ville)

Grâce au logiciel PowerDIS, co-développé par Efficacity et le CSTB, et sa méthode de simulation énergétique patrimoine, la Ville de Noisy-le-Grand a pu analyser, comparer et prioriser de manière fiable les scénarios de rénovation et d’optimisation énergétique pour ses 200 bâtiments , afin d’accélérer la transition vers un patrimoine plus sobre et performant. En offrant une vision claire des gains énergétiques et environnementaux à court et long terme, le logiciel s’est imposé comme un outil décisionnel essentiel dans la stratégie énergétique du projet RECITAL. Plus d’infos sur Construction21.org.

Avec Mistral – “Le chauffage urbain : une contribution efficace à la transition énergétique insuffisamment exploitée”. Nous avons demandé à Mistral de nous résumer ce rapport de la Cour des comptes de 2021. Voici les enseignements clés à retenir pour les aménageurs et les acteurs de la transition énergétique.
Nous avons demandé à Mistral de nous résumer ce rapport de la Cour des comptes de 2021. Voici les enseignements clés à retenir pour les aménageurs et les acteurs de la transition énergétique.
1. Le chauffage urbain : un outil sous-utilisé mais vertueux
Pourquoi c’est important ? Les réseaux de chaleur, en centralisant la production et la distribution de chaleur, permettent d’intégrer massivement des énergies renouvelables et de récupération (EnR&R). En 2019, 59 % de la chaleur livrée par ces réseaux était d’origine renouvelable, contre seulement 23,5 % pour la consommation nationale de chaleur. Pourtant, leur développement reste en deçà des objectifs nationaux.
Chiffres clés :
• 1,29 Mtep de chaleur renouvelable livrée en 2019 (contre 0,68 Mtep en 2012).
• 107 g CO₂/kWh en 2019 (contre 173 g CO₂/kWh en 2012).
• 154 réseaux neutres en carbone en 2019 (contre 19 en 2013).
Objectif 2030 : 3,4 Mtep de chaleur renouvelable livrée par les réseaux, soit 5 fois plus qu’en 2012. Au rythme actuel, cet objectif ne sera pas atteint.
2. Des collectivités territoriales peu impliquées
Le constat : Les collectivités locales, compétentes pour créer et exploiter ces réseaux, manquent de planification et de suivi. Les schémas régionaux (SRADDET) et les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) intègrent peu la problématique des réseaux de chaleur, malgré leur potentiel.
Problèmes identifiés :
• Manque de schémas directeurs : Seuls deux tiers des collectivités concernées en ont réalisé un, souvent incomplets ou non mis à jour.
• Faible nombre de réseaux classés : Seulement 2 % des réseaux sont “classés” (obligation de raccordement), alors que 76 % pourraient l’être.
• Contrôle insuffisant des délégataires : Les collectivités délèguent souvent la gestion à des opérateurs privés (80 % des livraisons de chaleur), mais le suivi des contrats et la transparence des tarifs sont lacunaires.
Recommandations pour les aménageurs :
• Prioriser les communes de plus de 10 000 habitants : Elles concentrent 80 % de la puissance installée et 94 % de la population desservie.
• Développer des schémas multi-énergies : Intégrer les réseaux de chaleur dans une réflexion globale avec les réseaux d’électricité et de gaz.
• Sécuriser les filières d’EnR&R : Anticiper les risques d’approvisionnement (ex. : biomasse) pour éviter un recours accru aux énergies fossiles.
3. Un modèle économique fragile et des tarifs peu transparents
Les défis :
• Équilibre économique précaire : Les réseaux dépendent du nombre d’abonnés. Une surcapacité ou des déraccordements (ex. : démolitions de logements) peuvent rendre le service coûteux pour les usagers restants.
• Tarification complexe : La facture inclut une part variable (R1, liée à la consommation) et une part fixe (R2, liée aux investissements). Cette dernière, souvent élevée (jusqu’à 70 % du prix total), est répercutée sur les locataires, ce qui peut rendre le chauffage urbain moins compétitif que le gaz.
• Manque de transparence : Les usagers et abonnés ont peu d’informations sur la composition des tarifs et la performance des réseaux.
Pistes d’action :
• Améliorer l’information des usagers : Publier des rapports annuels sur la qualité et le prix du service, comme pour d’autres services publics.
• Rendre les tarifs plus lisibles : Clarifier la répartition des coûts entre abonnés et locataires, notamment pour les logements sociaux.
• Encourager les raccordements : Utiliser le classement des réseaux et les outils d’urbanisme (ex. : conditionner les permis de construire au raccordement).
4. Des dispositifs de soutien à rationaliser
Les aides existantes :
• Fonds Chaleur (ADEME) : 110 M€ en 2019 pour financer les investissements.
• TVA réduite à 5,5 % pour les réseaux alimentés à plus de 50 % par des EnR&R.
• Certificats d’économies d’énergie (CEE) et subventions locales.
Limites et pistes d’amélioration :
• Manque de coordination : Les moyens de l’État (DGEC, ADEME, Cerema) sont dispersés et peu visibles pour les collectivités.
• Aides parfois inefficaces : Certaines subventions (ex. : TVA réduite) sont mal évaluées ou peu incitatives.
• Besoin de données économiques fiables : Les collectivités manquent d’outils pour évaluer la rentabilité des projets.
Propositions :
• Conditionner les aides à la réalisation de diagnostics multi-énergies et à la publication de rapports de performance.
• Simplifier les procédures pour les petites collectivités (ex. : guides pratiques, accompagnement régional).
• Étendre les obligations de raccordement dans les opérations d’aménagement.
5. Comparaison européenne : la France en retard, mais avec un bon taux d’EnR&R
Où en est la France ?
• Taux de pénétration faible : 3,5 % de la consommation de chaleur (contre 9 % en moyenne en Europe).
• Mais efficacité environnementale élevée : Le taux d’EnR&R dans les réseaux français (59 %) est supérieur à la moyenne européenne.
Exemples inspirants :
• Pays nordiques (Danemark, Suède) : Jusqu’à 35 % de la chaleur livrée par des réseaux, avec un fort taux d’EnR&R.
• Allemagne : 80 TWh de chaleur livrée par an (7 Mtep), grâce à une planification territoriale intégrée.
Leçon à retenir : La France a un potentiel inexploité, notamment dans les zones denses. Une meilleure coordination entre État, collectivités et opérateurs est indispensable.
En synthèse : 3 actions prioritaires pour les aménageurs
1. Cibler les territoires à fort potentiel : Communes de plus de 10 000 habitants, zones denses, projets d’aménagement.
2. Intégrer les réseaux de chaleur dans une stratégie multi-énergies : Articuler avec les réseaux d’électricité et de gaz, et les PCAET.
3. Améliorer la gouvernance et la transparence : Impliquer les usagers, clarifier les tarifs, et sécuriser les filières d’EnR&R.
© UNAM 2025
