Covid-19 : suspension des délais et adaptation des procédures

 

Les 25 premières ordonnances prévues par la loi d’urgence adoptée le 23 mars ont été publiées au Journal Officiel ce matin, dont celle très attendue relative à la prorogation des délais échus et à l’adaptation des procédures pendant la période d’urgence sanitaire.

L’article 17 de la loi d’urgence habilitait le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de prendre des mesures permettant :

  • d’adapter les délais et les procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative, ainsi que les délais de réalisation par les entreprises ou les particuliers de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature, imposées par les lois et règlements.
  • d’interrompre, suspendre ou reporter le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions.

Pour s’adapter aux contraintes de confinement, cette ordonnance permet de proroger certaines mesures administratives ou juridictionnelles et de suspendre certains délais aux termes desquels une décision administrative tacite peut naître du fait du silence de l’administration. Une période « spéciale » est prévue pour tous les délais arrivés à échéance entre le 12 mars et le mois (ou les deux mois) qui suivra la fin de de l’état d’urgence sanitaire.

La prorogation des délais de validité des mesures ou des autorisations arrivant à terme pendant l’état d’urgence sanitaire.

L’article 3 de l’ordonnance proroge de plein droit, à compter du 12 mars 2020, la validité des autorisations d’urbanisme ou de décisions administratives (ex : décision de préemption) dont le terme vient à échéance aux cours de la période de confinement jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

Ainsi et dès lors qu’une autorisation d’urbanisme serait par exemple périmée au 26 mars 2019, sa durée de validité sera prorogée jusqu’à la date de levée des mesures sanitaires à laquelle sera ajoutée un délai de 2 mois.

Outre les autorisations d’urbanisme, cette prorogation s’applique notamment :

  • aux mesures conservatoires, d’enquêtes, d’instruction, de conciliations ou de médiations ;
  • aux mesures d’interdiction ou de suspensions non prononcée à titre de sanction.

A noter : son exclues en revanche de cette prorogation les délais déjà aménagés par la loi d’urgence promulguée lundi, les délais en matière pénale ou de procédure pénale (l’ordonnance pénal prévoit que les délais de recours sont doublés et ne peuvent être inférieurs à 10 jours), les mesures privatives de liberté, les délais relevant du code électoral, les inscriptions à une voie d’accès de la fonction publique ou une formation de l’enseignement supérieur et les obligations financières relevant des compensations et cessions de créances.

La suspension des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme ou environnementales

Afin d’éviter une généralisation de décisions dues au silence de l’administration, que ce soit des permis tacites ou des  refus d’autorisation en matière environnementale, l’article 7 de la présente ordonnance suspend les délais d’instruction en cours au 12 mars 2020 jusqu’à la fin du mois suivant la levée de l’état d’urgence sanitaire.

Cette disposition est notamment applicable, pour les instructions en cours au 12 mars 2020 aux :

  • autorisations d’urbanisme ;
  • autorisations requises en matière environnementale
  • prescriptions d’archéologie préventive
  • demandes de pièces complémentaires
  • vérification de la complétude du dossier de demandes

Un décret viendra préciser les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse n’entrant pas dans le champ d’application des mécanismes de prorogation ou de suspension des délais.

Bien que générale, cette disposition n’interdit pas, à priori, la poursuite de l’instruction et la prise de décisions expresses par les services instructeurs qui auraient mis en place la dématérialisation ou une organisation de travail permettant la prise de décision. Ce point est à confirmer.

Sont également suspendus au titre de l’article 8 de l’ordonnance, lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature.

Est notamment visée par cette disposition la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux prescrits par un permis d’aménager ou un permis de construire et l’éventuelle demande de recollement de l’administration.

Les mesures de prorogation ou de suspension de délais prévus pour les contrats de droit privé

Les articles 4 et 5 prévoient également des dispositions propres aux contrats de droit privé.

Ainsi, sont réputées ne pas produire d’effets, les astreintes, les clauses pénales, clauses résolutoires ou clauses suspensives en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle en cas d’expiration du délai pendant la période de confinement.

Ces clauses ne reprendront ainsi effet qu’à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de la période de confinement si le débiteur de l’obligation ne l’a pas exécuté avant ce terme.

  • pour les clauses dont le délai a commencé à courir entre le 2 mars 2020 et l’expiration de la période de confinement, anticipée à ce jour au 25 juin 2020, le délai redémarrera un mois après, soit le 25 juillet 2020
  • pour les clauses dont le délai avait commencé à courir avant le 12 mars 2020, le délai redémarrera à l’issue de la période, soit le 25 juin 2020.

A bien noter : les contrats de droits privés (promesses et actes) dont la résiliation ou le terme arrivaient à expiration pendant la période de confinement seront prolongés de deux mois après la fin de la période de confinement, soit à ce jour jusqu’au 25 août 2020.

Cela joue notamment lorsque le terme de la levée d’option pour les promesses unilatérales de vente intervient pendant le délai de confinement.

En revanche, la force majeure n’a pas encore été  retenue de manière générale pour l’ensemble des contrats privés, comme cela a été fait pour les marchés publics. Elle est définie par l’article 1218 du Code civil qui prévoit quatre conditions cumulatives :

  • un événement échappant au contrôle du débiteur,
  • qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat,
  • dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées,
  • qui empêche l’exécution totale ou même partielle de son obligation par le débiteur.

La plupart du temps, cette définition, les conditions de mise en œuvre et les conséquences attachées à la qualification de la force majeure sont prévues dans les contrats privés.

A défaut de clauses contractuelles, le débiteur peut demander la prolongation du délai d’exécution en invoquant l’article 1231-1 du Code civil qui prévoit qu’il n’y a pas lieu d’appliquer des dommages et intérêts lorsque l’exécution a été empêchée par la force majeure. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.

Si la force majeure est reconnue, le titulaire pourra, au cas par cas :

  • prétendre à l’exonération des pénalités de retard pour la fraction du retard imputable à la force majeure ;
  • demander une prolongation de délai ;
  • demander la résiliation ou la suspension de ses obligations.

Si par le passé la jurisprudence a reconnu la force majeure pour Ebola, il ne fait aucun doute qu’elle reconnaîtra à terme l’épidémie de Coranivurs comme tel.

Le cas particulier des enquêtes publiques

L’ordonnance prévoit l’adaptation des procédures d’enquête publique pendant la période de lutte contre la propagation du Coronavirus. Pour les enquêtes publiques en cours au 12 mars 2020 ou devant être organisées pendant la période de confinement, l’autorité en charge de l’organisation de cette enquête peut :

  • poursuivre l’enquête en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés ;
  • relancer une nouvelle enquête conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.

Lorsque la durée de l’enquête excède la période de confinement, l’autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l’enquête restant à courir, aux modalités d’organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d’enquêtes dont elle relève.Dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l’état d’urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article.

 

Crédit image : Gerd Altman – Pixabay

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