La colère des “gilets jaunes” est aussi celle des territoires

 

Il faut repenser l’aménagement du territoire pour un meilleur partage des richesses entre les métropoles, bien dotées, et les zones périphériques, désertifiées.

La France des « gilets jaunes » souffre et le fait savoir. Cette France, c’est celle de la périphérie, baladée entre cités, villes nouvelles et zones pavillonnaires. Les médias stigmatisent un phénomène que les experts abhorrent : le choix de nombreux Français de s’installer en dehors des centres métropolitains.

Mais en réalité, cette France des « gilets jaunes » n’est autre que celle affectée par  la stagnation du pouvoir d’achat,   la pression du chômage, le déficit des services publics,  la désertification médicale,   la dévitalisation commerciale, bref, par la déficience de la collectivité.

Fracture territoriale

Sur fond de violences urbaines, la grogne des « gilets jaunes » interpelle, mais elle n’est pas nouvelle ! Ce serait oublier les votes protestataires exprimés en mai 2017 pour dénoncer toutes ces années de politiques publiques qui ont délaissé la majorité de nos citoyens des bourgs-centres et des villes moyennes, au profit du développement des seules métropoles, nos championnes dans la course à la visibilité internationale.

Tout au plus, la crispation profonde exprimée face à  la hausse des prix des carburants et des taxes nous rappelle que la fracture territoriale continue de se creuser. Une partie de la population se sent condamnée  à rouler à 80 km/h, étrangère à cette France des centres-villes qui rêve de nouveaux octrois à ses portes urbaines. Elle remet en cause  une pression fiscale en forte hausse, cumulée au renchérissement du logement et à des charges nouvelles, pour toujours moins de services de proximité.

Le moment est venu de mettre fin à la concentration des richesses dans les seules métropoles qui dévitalise nos territoires. Le gouvernement avait anticipé ce besoin, en témoignent les 5 milliards d’euros investis dans les opérations de revitalisation territoriales du  Plan action cœur de ville(loi Élan), le 1,3 milliard d’euros fléché sur 124 territoires d’industrie ou encore les 13,4 milliards d’euros d’investissements afin de remettre en état les réseaux ferrés et routiers existants (loi Lom).

Toutefois, ces annonces n’ont pas eu le temps de produire leurs effets, et pour toutes celles et ceux dont le « reste à vivre » est amputé par  la baisse des APL, la hausse de la CSG et la flambée des prix de l’énergie, le compte n’y est pas.

Sortie de crise

Comment envisager une sortie de crise ? Comment soulager la contrainte budgétaire des ménages ? Quel signal donner à cette France « oubliée » ? Pour ce qui est du pouvoir d’achat, il faut relancer l’offre de logements à court terme pour infléchir sur les prix qui ne cessent d’augmenter et grèvent toujours plus le budget des ménages. C’est, pour le moins, la position défendue par les acteurs du logement qui plaident en faveur d’un programme de désintoxication fiscale et d’une maîtrise des prix du foncier qui ont été multipliés par 4 en 10 ans et impactés par les coûts techniquement élevés de l’hyperdensité.

Pour la cohésion des territoires, il faut se tourner à plus long terme vers une politique de bassins d’emplois capable d’irriguer la création d’entreprises en dehors des seuls centres urbains, de développer le commerce de proximité, sans oublier de favoriser un habitat adapté à l’accueil des familles y compris en cœur de ville.

Il nous appartient de dépasser les modes architecturales et une forme d’écologisme bourgeois pour relever le défi d’imaginer collectivement un modèle de transition urbaine“.

Autrement dit, il nous faut écrire un nouveau chapitre de l’aménagement en France dont nous n’aurons pas à rougir dans 30 ans et dans lequel toutes les générations actuelles et futures se retrouveront. Une nouvelle forme d’aménagement durable et responsable qui saura faire face à l’urgence climatique et environnementale, où nature, santé et biodiversité seront compatibles avec un habitat choisi à densité humaine.

Ne l’oublions pas, la cohésion des Français passe avant tout par une cohésion des territoires. Dès maintenant et pour les générations futures.

Tribune de François Rieussec, Président de l’Unam, Les Echos, 5 décembre 2018

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