Crise du logement :

10 000 communes carencées en foncier !

 

Communiqué de presse – Paris, le 29 mars 2022

Dossier de presse

À l’aune de l’élection présidentielle, l’Union Nationale des Aménageurs (Unam) apporte un nouvel éclairage à la multitude de chiffres au cœur des débats sur la crise du logement : prix, production, activité, pouvoir d’achat, besoins en logement, usages fonciers. Un vaste chantier de collecte et de croisement de données* pour sortir de la caricature, fonder le bon diagnostic et répondre à la tension généralisée sur le territoire, avec un déficit estimé à 150 000 logements par an.

 

Sortir d’une vision comptable pour adopter une vision fonctionnelle

“Il y a déjà une baisse notable de l’artificialisation des territoires depuis 20 ans”, rappelle François Rieussec, Président de l’Unam : “65 % des communes sont inscrites sur une trajectoire de sobriété foncière contre 27 % d’entre elles qui voient l’artificialisation augmenter. Faire du ZAN, c’est possible, en théorie avec une calculette sur un coin de table ”.

Mais avec ce nouvel objectif de réduction comptable, la loi Climat et Résilience ajoute au déficit de production de logements un déficit de foncier qui va accélérer les tensions sur un marché déjà en situation très critique. Les chiffres présentés portent à près de 10 000 le nombre de communes carencées en foncier si les nouveaux textes étaient uniformément appliqués, démontre Nicolas Thouvenin, docteur en sciences économiques et Délégué Général de l’Unam. Et précise : “Sans augmenter le renouvellement urbain de 20% et avec des densités inférieures à 25 logements à l’hectare pour les nouvelles zones urbanisées, l’objectif ne tient pas.”

Les régions concernées en priorité sont la région Rhône-Alpes, le Sud-Est, l’Occitanie, le sillon lorrain et l’Alsace dans le Grand Est, l’Île-de-France, les Hauts-de-France et les départements littoraux de la façade ouest du territoire. Bref, les régions les plus dynamiques ou les plus en croissance. “L’objectif de réduction par deux de l’artificialisation fixé par la loi crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Dès lors qu’on le transpose dans son application réelle, cela ne marche pas”, indique François Rieussec, Président de l’Unam.

Les besoins sont très divergents en fonction des communes. Et la structure de production correspond à des typologies d’habitat spécifiques. Transformer ces typologies n’a pas de sens, on y loge des populations différentes avec des revenus et des pouvoirs d’achat différents. Pour François Rieussec, “La comptabilité urbaine ne doit pas remplacer la pensée urbaine. Et imaginer que des mesures compensatoires sont une solution, c’est délivrer un droit à la détérioration à l’environnement. Il faut que les opérations soient vertueuses en elles-mêmes, intégrer les solutions environnementales et ne pas externaliser les problèmes”.

 

50% de renouvellement urbain, où et pour combien de temps ?

Avec un objectif de production estimés à 450 000 par an pour répondre aux nouveaux besoins ; soit 4 500 000 d’ici 2030, il est plus que nécessaire de réaménager avant de construire n’importe où et trop vite. François Rieussec ajoute que “Le taux de renouvellement urbain opère déjà dans les secteurs déjà tendus et fonctionne là où il y a un fort pouvoir d’achat. 50% de renouvellement urbain c’est une chose mais combien de temps cela va-t-il durer ? Le potentiel de renouvellement urbain n’est pas inépuisable, le parc existant ne peut pas se renouveler de lui-même de façon infinie pour épouser les nouveaux besoins supplémentaires”.

Le simulateur en ligne www.objectif-zan proposé par la Fédération Scot et l’Unam permet d’estimer les besoins en foncier à l’échelle des Scot et au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) selon des données de diagnostic et des objectifs de densification paramétrables” souligne Nicolas Thouvenin.

 

L’urgence de revoir la loi Climat et Résilience et de réhabiliter une pensé de l’aménagement

Dans un contexte d’extrême tension des marchés caractérisée par des secteurs où il y a un déficit de production et un déficit de foncier, il est urgent de revoir le ZAN selon l’Unam.

Le but n’est pas de se soustraire des objectifs poursuivis, faire coïncider la production nouvelle avec la préservation du cadre de vie et de l’environnement, mais de changer notre manière d’agir dans les projets” pour François Rieussec.

Plus que des mesures technocratiques qui ne changent rien ou pire aggravent la situation l’Unam plaide en faveur (encadré) :

  1. d’un pacte de confiance entre les collectivités et les opérateurs pour faire coïncider planification et projets ;
  2. de la création d’une filière industrielle stratégique dédiée à l’aménagement pour une approche globale des métiers et des services du cadre de vie ;
  3. d’une grande réforme de la fiscalité locale et du financement du logement

 

*Méthodologie de l’étude :

L’étude réalisée par l’Unam étudie l’impact de loi Climat et Résilience en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. À partir d’une estimation de la demande potentielle de logements à l’horizon 2030 et d’hypothèses de renouvellement urbain, elle permet d’identifier si les besoins en foncier qui en découlent sont compatibles avec une réduction par deux du rythme de l’artificialisation pour chaque région et chaque EPCI. Elle permet également de repérer les communes dont le niveau de construction est actuellement insuffisant pour répondre à la demande nouvelle. Elle propose enfin d’apprécier le degré de tension des marchés par rapport au niveau de contrainte imposé par le ZAN et aux déficits de production observés.

 

Cette étude a été réalisée par Nicolas Thouvenin, docteur en sciences économique et délégué général de l’Unam. Elle s’appuie sur trois sources de données qui ont été pour la première fois exploitées simultanément :

  • les données Insee pour le parc de logements et les scénarios de croissance démographique ;
  • les fichiers Sitadel2 du service de la donnée et des études statistiques (SDES) du ministère de la Transition Écologique pour la construction ;
  • les chiffres de la consommation d’espaces et de l’artificialisation du Cerema

Elle croise également de façon inédite le suivi de l’artificialisation avec les besoins en logement et les besoins en foncier définis selon les calculs de l’auteur.

 

Elle a par ailleurs mobilisé l’expertise :

  • de Samuel Depraz, géographe, Directeur de la recherche (HDR), groupe ESPI Laboratoire ESPI2R, Chercheur associé au laboratoire “environnement, ville, société” UMR 5600 du CNRS, pour arrêter une méthode de territorialisation des besoins en logements (cf. rapport scientifique publié par l’Unam en mars 2021) ;
  • d’Alexandre Coulondre, DIT Conseil, Chercheur associé au LATTS – École des Ponts Paristech, pour produire des indicateurs communaux à partir de Sitadel2 sur toute la période couverte par la version Open Data en utilisant le contour des communes en 2021 (INSEE, COG) ;
  • de Pauline Mittelette, chargée de mission « Data Modeling » à l’Unam, pour la mise en forme des résultats sur fonds cartographiques.

Encadré : les 3 principales mesures défendues par l’Unam

 

Un pacte de confiance entre les collectivités et les opérateurs

Créer les conditions, avec le soutien de l’État, d’un dialogue compétitif entre les collectivités, les acteurs économiques et les citoyens.

  • organiser une véritable concertation amont pour faire émerger des projets désirables et faire coïncider toute construction nouvelle avec l’amélioration du cadre de vie des
  • replacer le maire au centre du village afin de garantir une appréhension globale de la diversité des besoins du territoires en termes de logements, mais aussi en matière d’emplois, d’équipements et de services.
  • faire confiance aux opérateurs locaux et de leur donner plus de liberté.
  • renforcer la perméabilité entre la sphère publique et la sphère privée pour mettre les services déconcentrés de l’État en situation d’accompagner la conception des projets et de faciliter leur réalisation avec l’appui de nos agences nationales, plutôt que de suradministrer le droit de l’urbanisme.

En associant et en responsabilisant l’ensemble des acteurs le plus en amont possible à l’élaboration des documents de planification, l’objectif est d’innover dans la conception des projets urbains et de faire émerger une nouvelle forme de coordination des politiques publiques locales. Les Contrats de Relance et de Transition Écologique (CRTE) et les Opérations de Revitalisation Territoriales (ORT) ont ouvert la voie. Dans le même esprit, pour gagner du temps et relancer l’offre qui fait défaut, des Opérations d’Intérêt Territorial (OIT) pourraient être engagées dans le cadre plus général de la révision à venir de l’ensemble des documents d’urbanisme.

 

Structurer une filière industrielle stratégique dédiée à l’aménagement pour accompagner la mise en place de cette nouvelle gouvernance adaptée à la conduite d’opérations d’ensemble.
Reconnaître l’aménagement comme filière à part entière, c’est motiver une réflexion transversale pour répondre aux enjeux liés à la réhabilitation du parc existant, sa transformation, sa reconversion. Mais c’est également réaliser un pari pour accélérer notre transition vers une économie décarbonée en faisant de la sobriété foncière et de l’amélioration des fonctions écosystémiques des sols les nouveaux principes directeurs de tout nouveau projet, en intégrant notamment des technologies bas carbone, énergies agricultures urbaine, et environnementales.

 

Une grande réforme de la fiscalité locale et du financement du logement pour accompagner le renouvellement urbain et la fourniture des nouveaux services à la population répondant aux objectifs de développement durable. Dans le sillage des fonds ISR et de la taxonomie européenne, il appartiendra alors à l’État d’encourager, d’amorcer et de soutenir les projets les plus vertueux.

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