ZAN : ne faisons pas porter le chapeau aux exécutifs régionaux

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A quelques jours du scrutin des régionales et des départementales, François Rieussec, Président de l’Unam alerte les candidats sur les très mauvais chiffres de la construction et la dérive du Projet de Loi Climat en matière de lutte contre l’artificialisation des sols.

Comment relancer la construction de logements en France ? Comment construire plus vite, moins cher et de façon plus respectueuse de l’environnement ? Comment pérenniser notre modèle social et produire du logement abordable ? À la lumière des mauvais chiffres de la construction, les débats soulevés par notre politique du logement sont nombreux et, pour certains, encore sans issue à ce jour. Ils regorgent d’injonctions contradictoires ou de postures dogmatiques qui ne facilitent pas le partage des bons diagnostics. Pour autant, des solutions existent pour répondre aux attentes du marché, des élus et des habitants. Elles méritent d’être plébiscitées et attendent d’être mobilisées. Les professionnels du secteur multiplient des propositions de réformes pour nous épargner une crise immobilière qu’il est encore possible d’éviter. Le Gouvernement gagnerait à les écouter plus largement.

 

Ne pas créer le désordre économique : les mauvais chiffres de la construction

Jamais en 20 ans le nombre de permis de construire délivrés n’est descendu aussi bas. Au cours des 12 derniers mois, seulement 350 000 logements ont été autorisés, contre 412 400 en 2019, 456 000 en 2017 et 446 900 en 2012¹. La baisse de l’activité touche aussi bien le marché des appartements que celui des maisons et du social. L’effondrement surprend par son ampleur. Entre 2000 et 2008, avant la crise financière, c’est 30 % de permis qui étaient délivrés en plus en moyenne chaque année.

Côté valeurs, les prix des logements neufs proposés à la vente aujourd’hui sont plus deux fois supérieurs à ceux pratiqués en 2000². Sur le marché de l’ancien, le constat affole : au regard du revenu moyen des ménages³, c’est plus de 60% des Français qui sont exclus de l’accession à la propriété sur l’ensemble du territoire, jusqu’à 90% en cœur d’agglomérations.

Dans ce contexte, l’objectif fixé par le projet de loi Climat et Résilience de diviser par deux l’ouverture à l’urbanisation à l’horizon 2030 inquiète. Car même en optimisant le renouvellement urbain et les densités en extension urbaine (avec des petits collectifs, des maisons groupées et des terrains à bâtir à 400 m² pour atteindre des densités supérieures à 25 logements à l’hectare, soit 5 000 habitants au km²), il sera difficile, voire impossible, de répondre à la demande future de logements, sans parler de la résorption des déficits existants. Pour une demande estimée à 450 000 logements, le besoin théorique de foncier s’élèverait à l’échelle nationale à 3 200 ha⁴ par an⁵, soit 30% de plus que le nombre d’hectares théorique que les élus locaux seraient autorisés à ouvrir à l’urbanisation si le projet de loi passait en l’état.

 

Sortir du déni du réel : le bon diagnostic

Le bon diagnostic ne consiste pas à mettre en échec nos politiques du logement, actuelle ou passées, mais à trouver la voie du consensus et les bons compromis. Il ne faut pas nier que le logement est marqué par le désir des ménages d’accéder à certaines localisations puis, sitôt installés, de s’opposer à toute nouvelle construction. Il faut rappeler que le développement d’un parc locatif intermédiaire est contradictoire avec l’objectif de rénovation énergétique du parc ancien et la recherche de rendements attractifs pour les investisseurs. Il faut admettre que la concentration des moyens publics pour soutenir l’effort de construction et subventionner la demande en zones tendues, là où c’est le plus coûteux, n’est pas compatible avec la maîtrise de la dépense publique. Il faut oser dire que l’objectif prioritaire de reconstruction de la ville sur la ville et celui du tout collectif, porté par l’État, n’est pas compatible avec les attentes des Français dont les modes de vie évoluent⁶. Il faut dénoncer l’injonction de densité née d’une volonté technocratique assumée par les métropoles, qui concentrent 12% de la population dans leurs centres, de rentabiliser les équipements publics. Il faut avouer, enfin, que l’objectif de décentralisation de notre planification urbaine est contradictoire avec les contraintes imposées aux décideurs locaux (SRU, Loi Climat).

 

Changer d’échelle pour répondre aux objectifs du développement durable : la relance de la construction par l’aménagement

Donner du temps aux élus pour engager les territoires vers une contractualisation de l’urbanisme, réhabiliter la notion de projet pour créer une dynamique de relance des territoires par l’aménagement, privilégier un objectif qualitatif de sobriété foncière préservant les fonctions des sols et mettre fin à la dispersion urbaine, clarifier les enjeux environnementaux : les propositions des aménageurs sont multiples.

L’aménagement, échelle intermédiaire entre les projets de territoires et les programmes de construction, répond aux objectifs de politiques publiques poursuivis par les collectivités en matière de renouvellement urbain ou de réaménagement de l’existant.

Les projets d’aménagement les plus vertueux ne sont pas seulement retenus aujourd’hui en fonction de leur qualité architecturale et paysagère, de la mixité des logements, des commerces proposés, mais sont également jugés par leur résilience climatique et environnementale au service de la santé des habitants par la préservation de la biodiversité, la maximisation des surfaces de pleine terre favorables à la nature, le tonnage d’émissions d’énergie carbonée qu’ils permettent d’éviter ou la qualité des services de mobilité douce proposés, véhicules électriques, navettes autonomes. Ces opérations participent à la généralisation des circuits courts d’alimentation et des exploitations maraîchères. Par l’optimisation des densités, les opérations exemplaires peuvent mobiliser jusqu’à trois, voire quatre fois moins de foncier que les constructions en secteur diffus par divisions foncières.

Au-delà des péréquations économiques pour amortir le financement d’équipements publics ou celui de logements sociaux, le modèle économique de l’aménagement, dans sa définition la plus évoluée, doit permettre aux élus de tirer profit des innovations écologiques (quartiers à énergie positive, réservoirs de biodiversité) ou servicielles (conciergeries solidaires, tiers lieux) qu’il est désormais possible d’offrir aux habitants.

Avec l’aménagement changer d’échelle devrait permettre aux écosystèmes locaux d’accompagner les élus dans leurs projets de territoires sans qu’ils soient la cible de recours intempestifs sur des projets de constructions isolés, ou sanctionnés aux échéances électorales. S’abstenir n’est pas visionnaire. La précaution ne justifie pas l’inaction. Les programmes d’appui du Gouvernement « Territoires d’Industrie », « Action Cœur de Ville », « Petites villes de demain » ont ouvert la voie. Il est urgent de relancer un plan opérationnel les qui préserve les marges de manœuvre des élus et des opérateurs locaux pour répondre à la diversité des besoins dans les archipels métropolitains et les bassins d’emplois décentralisés.

 

¹ Source : SDES, Sit@del2 (nombre de logements autorisés hors résidences)

² Source : ECLN

³ Source : DVF, Insee, ERFS. Calculs : Unam, 2021

⁴ Source : Cerema, flux NAF dédiés à l’habitat au cours de la période 2009-2019

⁵ 3 200 ha ó 32 km² ó 1/17 000ème du territoire.

⁶ 60% des Français souhaiteraient dans l’idéal vivre dans une petite ville (31%) ou un petit village (29%) pour se rapprocher de la nature. Cet idéal est porté par le sentiment que les petites communes offrent une meilleure qualité de vie ou une proximité à la nature, sans oublier l’opportunité d’avoir un logement plus abordable et plus grand. 74% des habitants des communes rurales déclarent vouloir y rester. OpinionWay pour Fédération des SCOT &Unam (janvier 2021).

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