Brève juridique n°2024-03-01

Annonces du ministre Kasbarian : décryptages des mesures

 

Lors de son déplacement au MIPIM, le ministre délégué au logement, Guillaume KASBARIAN, a annoncé « 10 premières mesures pour accélérer et simplifier la construction de logements ».

Evoquant un souhait de « libération des énergies et de déverrouillage des contraintes qui pèsent au quotidien sur ceux qui veulent agir », le ministre propose 5 chantiers, comportant au total 10 mesures.

L’Unam se réjouit de voir parmi ces mesures, nombre de ses propositions reprises, et vous propose de les décrypter :

 

Chantier 1 : Accélérer et moderniser les procédures d’aménagement pour faciliter la production de logement neufs

 

  1. La généralisation du permis d’aménager multi-sites.

Le permis d’aménager multi-sites permet la levée de la contrainte des « unités foncières contiguës » pour déterminer le périmètre des permis d’aménager.

Cela permet d’éviter de déposer deux autorisations distinctes lorsque l’assiette du projet est coupée par une voie publique notamment, mais aussi d’intégrer à la même autorisation des sites distincts mais permettant de porter dans une même dynamique différents éléments du projet de territoire.

L’Unam se réjouit de voir étendue cette mesure qu’elle porte depuis le projet de loi ELAN en 2018, et pour la généralisation de laquelle elle a milité ensuite.

Pour parfaire cette proposition, l’Unam appelle encore à permettre l’intégration de sites de renaturation dans ce permis d’aménager multi-sites.

 

  1. Rendre impossible l’exclusion du R. 151-21 par le PLU.

L’article R. 151-21 du Code de l’urbanisme permet, dans un lotissement, d’appliquer l’ensemble des règles de prospect non pas au lot par lot, mais en tenant compte du périmètre de l’opération. Actuellement, il est possible pour les auteurs du PLU d’exclure cette disposition, et de revenir à l’application au lot par lot. Pour favoriser la densité des opérations, le ministre souhaite rendre impossible l’exclusion de cette disposition.

Cette mesure permettra effectivement une plus grande marge de manœuvre pour répondre à la double exigence du besoin de création de logement et de la transition écologique.

 

  1. Reconnaître une existence légale au PA par tranche, et délivrer le permis de construire dès obtention de la garantie d’achèvement.

Actuellement, si le phasage d’une opération est possible, ce n’est qu’une modalité de mise en œuvre d’une autorisation d’urbanisme. Il s’agit d’un permis unique, que le maître d’ouvrage décide de réaliser en plusieurs tranches, tout en devant rester vigilant sur la validité du permis (pas d’interruption de plus d’un an). En outre, si le maître d’ouvrage souhaite obtenir une garantie d’achèvement, elle portera, sauf exceptions de certains partenaires bancaires, sur la totalité de l’opération.

La reconnaissance du PA par tranches permettra l’obtention de GFA sur les tranches définies au PA, pour ne pas porter dans le temps des GFA trop lourde financièrement

La mesure a également pour but de permettre la délivrance de tout les permis (y compris maison individuelle) sans plus attendre l’achèvement des travaux ou l’équipement du lot, mais dès l’obtention de la GFA.

C’est ici la reconnaissance des spécificités de l’aménagement. La garantie financière d’achèvement sécurise la bonne viabilisation des terrains et permet ainsi d’avancer sur les projets en parallèle, sans plus attendre la réalisation des travaux.

Jusqu’alors la GFA permettait déjà d’obtenir une autorisation de vente par anticipation, désormais elle permettra également la délivrance des permis de construire de maison individuelle.

Logiquement, la mise en œuvre du permis de construire reste néanmoins conditionnée par le bon équipement du lot.

 

  1. Faciliter la densification en lotissement

Cette mesure annonce une modification des règles permettant la modification du règlement de lotissement. Il s’agira probablement d’un assouplissement des règles de majorité dès lors que la modification envisagée a pour but de permettre la densification du lotissement.

 

Chantier 2 : accélérer la numération des autorisations d’urbanisme

Les 3 mesures de ce chantier ont pour but de lever les divers blocages qui ralentissent la mise en œuvre de la dématérialisation des demandes d’autorisations d’urbanisme.

Ainsi :

  • Dans les communes de plus de 3500 habitants, les professionnels et les personnes morales seront obligés de passer par la voie électronique, mais en contrepartie, le nombre d’exemplaires papiers qui sont encore demandés, malgré le dépôt d’une demande dématérialisé, sera encadré
  • Imposer une saisine des services de l’Etat, par les services instructeurs, par voie dématérialisé.
  • L’Etat souhaite proposer un formulaire de permis de régularisation, en complément du permis modificatif.

Par ces mesures, le gouvernement souhaite inscrire les services de l’Etat dans une démarche d’exemplarité sur la dématérialisation, et faciliter les démarches des opérateurs tant pour les demandes initiales que pour les éventuelles régularisations nécessaires.

 

Chantier 3 : sécuriser les porteurs de projet en amont

Cette 8è mesure vise le certificat de projet, outil créé en 2014 à titre d’expérimentation, et qui a été généralisé en 2017. Des spécificités pour les certificats de projets déposés pour les opérations réalisées sur des friches ont été ajoutées par la loi Climat et Résilience

Ce mécanisme a pour but d’encadrer une feuille de route réglementaire pour les projets. Il permet d’identifier l’ensembles des régimes, procédures et décisions nécessaires à la réalisation du projet, et le calendrier applicable à chacune des étapes identifiées.

S’il permet un cadrage en amont et réduit les risques d’irrégularité du dossier, en l’état des textes, la responsabilité de l’administration est limitée aux informations transmises par le pétitionnaire.

Actuellement, l’outil reste complexe à utiliser pour une sécurité non garantie. En outre, les spécificités annoncées par Climat et Résilience, censée permettre une cristallisation des règles applicables pendant 3 ans, pour les projets réalisés sur des friches, n’ont pas encore bénéficié des textes d’application.

C’est probablement les deux axes de travail envisagé par le gouvernement lorsqu’il annonce « mettre en œuvre le certificat de projet pour donner de la visibilité au porteur de projet ».

 

Chantier 4 : raccourcir les procédures de recours, pour économiser jusqu’à 10% du coût du foncier.

Le gouvernement souhaite ici diminuer les délais de recours gracieux, et les délais de réponse par la collectivité à ces recours gracieux. Les leviers d’action ne sont néanmoins pas encore identifiés.

Rappelons qu’actuellement, le délai de recours gracieux est de deux mois à compter de l’affichage de l’autorisation d’urbanisme sur le terrain. La commune dispose ensuite de deux mois pour y répondre. En cas de silence gardé pendant ces deux mois, le recours est réputé être rejeté.

En matière de droit de l’environnement, les délais sont plus longs. Une déclaration ou une autorisation au titre de la loi sur l’eau peut être mise en cause par un tiers pendant un délai de 4 mois.

Un levier d’action peut être d’harmoniser l’ensemble des délais.

 

Chantier 5 : sécuriser le traitement des contestations des porteurs de projet

Après avoir envisagé les recours par les tiers, le gouvernement souhaite également faciliter les actions par les porteurs de projet en cas de refus de permis.

L’objectif est ici d’identifier les leviers permettant une action plus rapide sur les contestations de refus de permis de construire en zone tendue.

 

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