Gaz à effet de serre : l’État reconnu responsable de manquements par le TA de Paris
News Tank Cities, le 03/02/2021
Le tribunal administratif de Paris reconnaît l’existence d’un préjudice écologique lié au changement climatique. Il juge « que la carence partielle de l’État français à respecter les objectifs qu’il s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) engage sa responsabilité », par un jugement du 03/02/2021.
La décision intervient dans le cadre de « l’Affaire du siècle » lancée en mars 2019 qui oppose la Ville de Grande-Synthe (Nord) et les associations Notre affaire à tous, Greenpeace France, la fondation Nicolas Hulot, Oxfam France et France Nature Environnement, à l’État dans un recours pour inaction climatique lors de l’audience au tribunal administratif de Paris. La « décision marque une avancée majeure du droit français et une victoire de la vérité. Jusqu’ici, l’État niait l’insuffisance de ses politiques climatiques en dépit de l’accumulation de preuves (dépassement systématique des plafonds carbone, rapports du Haut conseil pour le climat…) », selon Greenpeace.
Les juges ont prononcé un supplément d’instruction afin de soumettre les observations non communiquées des ministres compétents à l’ensemble des parties, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement. « Le tribunal doit maintenant décider s’il ordonne à l’État de prendre des mesures supplémentaires pour réduire ses émissions de GES et respecter ses engagements pour le climat. Une nouvelle audience aura lieu au printemps. (…) L’État peut faire appel de ces décisions », rappelle Greenpeace.
La décision administrative intervient alors que l’État est sous le joug d’une mise en demeure de la Commission européenne pour non-respect des valeurs limites de pollution de l’air et risque d’écoper de 100 Md€ d’amende. L’échéance de 2 mois pour arriver au respect des valeurs était fixée au 03/02/2021.
Pour rappel, la France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, avec pour but d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Or les émissions de GES françaises ont baissé de seulement 0,9 % entre 2018 et 2019 alors que le rythme annuel recommandé pour respecter ces objectifs est de -1,5 %, puis -3 % à partir de 2025.
Principales décisions du tribunal dans ce jugement
Selon le jugement du tribunal administratif :
- l’action en réparation du préjudice écologique, prévue par le code civil, est recevable et ouverte contre l’État. L’existence d’un tel préjudice, non contestée par l’État, se manifeste notamment par l’augmentation constante de la température globale moyenne de la Terre, responsable d’une modification de l’atmosphère et de ses fonctions écologiques ;
- sur l’existence d’un lien de causalité entre ce préjudice écologique et les différents manquements reprochés à l’État en matière de lutte contre le changement climatique : l’État doit être regardé comme responsable d’une partie de ce préjudice dès lors qu’il n’avait pas respecté ses engagements en matière de réduction des émissions de GES ;
- sur la réparation du préjudice écologique : le tribunal a souligné qu’une telle réparation s’effectue prioritairement en nature, les dommages et intérêts n’étant prononcés qu’en cas d’impossibilité ou d’insuffisance des mesures de réparation. Il a rejeté pour ce motif les conclusions des associations requérantes tendant à la réparation pécuniaire de ce préjudice ;
- afin de déterminer les mesures devant être ordonnées à l’État pour réparer le préjudice causé ou prévenir son aggravation, les juges ont prononcé un supplément d’instruction, assorti d’un délai de 2 mois ;
- le tribunal a estimé que les carences fautives de l’État dans le respect de ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique portaient atteinte aux intérêts collectifs défendus par les associations requérantes : il a condamné l’État à verser aux associations Oxfam France, Notre Affaire à tous, Fondation pour la Nature et l’Homme et Greenpeace France la somme d’1 € symbolique demandée par chacune en réparation de leur préjudice moral.
Réaction du Gouvernement
Dans une communication en date du 03/02/2021, le ministère de la Transition écologique écrit :
- « Le Gouvernement prend acte de la décision du tribunal administratif relative au non-respect du 1e budget carbone de la SNBC pour la période 2015/2018. (…) Le Gouvernement a conscience du fait que les 1e objectifs fixés sur cette période passée n’ont pas été atteints », comment-t-il par le biais du ministère de la Transition écologique.
- Il indique avoir « depuis 2017, fortement rehaussé ses efforts en matière de politiques de réduction des émissions de GES » via la LOM, la loi AGEC et la loi Énergie-climat.
- « Le projet de loi Climat et résilience qui fait suite aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat, sera présenté le 10/02/2021 en conseil des ministres et constituera une nouvelle étape décisive en accélérant la transition écologique de la France », note le ministre. « Ce projet de loi vise tant des actions structurelles – rénovation énergétique des logements, décarbonation des transports, lutte contre l’artificialisation des sols – que culturelles, en agissant sur la publicité, la consommation et l’éducation à l’environnement. »
- Le Gouvernement déclare avoir « conscience des attentes légitimes et [être] à l’écoute des interpellations de la société civile sur ces sujets ».