Le moment est venu de créer l’étincelle pour mobiliser tout un secteur

 

Discours de Pascale Poirot, à l’occasion du Congrès de l’Unam organisé au Palais des Papes à Avignon, le 25 septembre 2018.

Monsieur Le Ministre

Mesdames Messieurs les Députés

Madame le Maire, Mesdames Messieurs les Élus

Chers Consœurs, chers Confrères

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Tout d’abord permettez-moi, Monsieur Le Ministre, de vous remercier d’avoir accepté de partager avec nous cette première journée de Congrès. J’y vois là une marque de reconnaissance de notre métier mais aussi, et surtout, l’expression de votre confiance envers nos entreprises qui, quotidiennement, accompagnent les élus locaux à appréhender les enjeux de l’aménagement.

Notre métier, il faut le rappeler, ne se résume pas à la production de foncier urbanisé destiné à recevoir une typologie variée de logements, des immeubles de bureau, des équipements publics, des bâtiments d’activité ou encore des commerces.

Au quotidien, c’est un engagement d’excellence :

  • pour loger toujours plus de ménages en maîtrisant l’urbanisation diffuse et optimiser l’espace tout en leur assurant un cadre de vie de qualité ;
  • pour réduire à la source les consommations d’énergies et exploiter au mieux les ressources locales ;
  • pour préserver la biodiversité, voire dans bien des cas en recréer les conditions ;
  • pour accompagner les nouveaux modes de vie en termes d’usages collaboratifs et de gestion partagée ;
  • pour apporter aux collectivités locales des solutions opérationnelles et financières pour réaliser leurs objectifs et rendre leurs territoires plus attractifs, plus agréables à vivre et plus durables.

En d’autres termes, aménager revient à promouvoir une approche globale du développement urbain ou territorial. J’entends certains acteurs affirmer qu’ils « fabriquent la ville ». Nous, aménageurs, nous mettons en place les conditions de l’urbanité… et ce ne sont pas que des mots :

Nous verrons en effet tout cela concrètement :

  • dans un instant sur le village de nos partenaires que vous avez accepté d’inaugurer à mes côtés, pour rappeler que nous sommes tous dépositaires de la valeur ajoutée des uns et des autres, mais également pour illustrer notre volonté de travailler ensemble et notre capacité à innover ;
  • demain matin, avec le concours des équipes lauréates de la 4ème édition de nos Trophées. Je tiens ici à remercier Madame la Députée Sandra Marsaud d’avoir accepté la présidence du jury cette année. Nous illustrerons une nouvelle fois par cette édition 2018, au-travers d’opérations diverses et de toutes tailles, l’apport de la réflexion transversale que constitue l’aménagement et les solutions adaptées qu’elle permet de trouver à des enjeux de territoires eux-aussi très divers.

Cela dit, défendre l’idée qu’il faut aménager pour ne pas construire dans l’urgence n’importe où et n’importe comment , avouons-le entre nous, ce n’est pas toujours simple. Surtout que le « n’importe où » et le « n’importe comment » ne trouvent pas nécessairement la même interprétation chez les uns ou chez les autres…

Les préjugés ont la vie dure, les clivages idéologiques demeurent, et la liste des obstacles qui freinent la réalisation de projets d’ensemble est longue, trop longue pour que je énumère ici, faute de temps, tous les freins qui pénalisent notre activité.

Mais je sais que vous les connaissez et je tiens à saluer, Monsieur le Ministre :

  • D’une part votre volonté de réinterroger, dès votre prise de fonction, la politique d’aménagement de l’ensemble des territoires pour reconquérir les villes moyennes et les bourgs-centres et retrouver entre eux un juste équilibre fondé sur la compétitivité, la cohésion et la durabilité. C’est le sens de l’Action Cœur de Villes que vous avez lancée à destination des villes moyennes. C’est également le sens des réflexions que vous menez en faveur des bourgs-centres.
  • D’autre part , votre souhait de remettre l’aménagement sur le devant de la scène à-travers une loi « logement » (il y a bien longtemps que ce n’était pas arrivé !) et de fixer un cap à l’ensemble des opérateurs concernés pour apporter des réponses à des territoires en déprise qu’il était impossible de laisser dans leur sentiment d’abandon.
  • Enfin votre décision d’intégrer dans la loi Élan des nouveaux dispositifs mais également un certain nombre de simplifications, y compris pour des procédures d’urbanisme opérationnel telles que la ZAC ou encore le permis d’aménager. Nous y reviendrons demain après-midi avec vos services, qui nous proposeront une lecture « pédagogique » des nouveaux dispositifs de la loi pour motiver l’ensemble des aménageurs et des élus locaux à s’en emparer. (Remercier François Bertrand et Arnaud Longé d’avoir accepté de préparer à nos côtés ce congrès.) mais je voudrais insister une minute sur l’expérimentation du Permis d’Aménager Multi-Sites, devenu possible dans le cadre des Opérations de Revitalisation Territoriale : vous avez soutenu notre proposition lors des débats parlementaires et je vous en remercie, mais elle va maintenant demander tout votre soutien pour encourager des opérations à taille humaine intégrées dans des projets d’ensemble. Peut-être pourrions-nous à cet égard, commencer par débloquer (enfin) l’information foncière pour recenser les besoins et les potentialités de chaque territoire ? Cibler, ensuite, avec l’aide du CGET par exemple, les centralités locales où l’expérimentation serait la plus efficace ? Et pourquoi pas, enfin, l’intégrer habilement dans un futur plan « Bourgs-Centres » pour tous ces territoires qui ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire ni des ressources suffisantes pour attirer les investisseurs ?

Peut-être juste un mot à ce stade sur les GOU et les PPA car, par la voie de la contractualisation entre l’État et les EPCI, nous craignons toujours que les opérateurs privés soient exclus du jeu. J’espère que vous nous rassurerez sur ce point.

Pas à pas, petit à petit, l’oiseau fait son nid… et je vous souhaite de réussir à créer les conditions du fameux choc de l’offre. « Construire plus, mieux et moins cher », c’est certainement possible, mais à condition de ne pas reproduire dans tous les territoires les mêmes réponses que celles offertes aujourd’hui dans les métropoles. Il faudra veiller à un diagnostic fin et exhaustif, sans tabou: pourquoi ici les ménages ont déserté l’habitat de centre-ville ? à quelle typologie d’habitat aspirent-ils ? Quelle est la densité acceptable ? Comment organiser les mixités, qu’elles soient sociale, générationnelle ou fonctionnelle ? Quels sont les espaces publics désirés ? La rénovation du parc ancien sera-t-elle partout la bonne réponse ou faudra-t-il accepter dans certains cas de démolir pour reconstruire, en recréant au passage des espaces publics et en travaillant sur le paysage. Pourquoi là c’est le commerce qui s’est écroulé ? Comment relancer la dynamique économique locale ? Quelles mobilités peut-on raisonnablement offrir ? Il y aura certainement autant de réponses que de questions posées, alors attention justement à ne pas supposer à priori que les effets ont toujours à l’origine les mêmes causes…

Les réponses devront être totalement transversales, sans cloisonner les différentes thématiques, mais nous aurons l’occasion de le rappeler lors des groupes de travail du Conseil d’orientation et de suivi de l’action Cœur de Villes auquel vous nous avez invités à participer, et je vous en remercie.

Par ailleurs, l’objectif du choc d’offre ne se réalisera pas sans encourager la mobilisation du foncier, public certes, mais également privé. Sa rareté, tous les acteurs sont unanimes, pénalise automatiquement le bilan des opérations et freine toute tentative de maîtrise des coûts du logement. Je ne sais pas si vous avez déjà plaidé en faveur d’une inversion de la logique de taxation des plus-values pour encourager les cessions plutôt que la détention ? Dans le cadre du PLF pour 2019, ce serait, pour le moins, une bonne occasion de réaffirmer la volonté de notre Président de la République d’en finir avec les réflexes rentiers à l’origine de toutes les spéculations !

Sur ce volet loi de Finances, je souhaitais également attirer votre attention sur les exonérations de plus-values dont bénéficient les particuliers lorsqu’ils vendent un terrain à un bailleur social ou à un promoteur qui s’engage à réaliser des logements sociaux sur son opération. Exonération à laquelle ces mêmes particuliers n’ont pas le droit lorsqu’ils vendent un terrain à un aménageur qui pourtant s’engage dès son avant-projet à réserver des îlots à la construction de logements sociaux !

Honnêtement et en toute transparence, cette distorsion de concurrence ne nous facilite pas la tâche car lorsqu’un particulier nous vend un terrain, il nous demande systématiquement d’intégrer dans notre prix d’achat la taxation sur la plus-value qui, par ricochet, sera supportée pas les acquéreurs des futurs logements.

Cela ne peut plus durer et j’espère que vous serez moteur pour restaurer les bases d’une concurrence saine. Autrement dit : accepter d’exonérer les particuliers de plus-values proportionnellement à la part de logements sociaux réellement prévue et réalisée dans l’opération d’aménagement, comme lorsqu’ils vendent à un promoteur ou à un bailleur social.

J’ose croire que ces mesures ne sont pas incompatibles avec votre volonté, Monsieur le Ministre de « déperfuser » la politique du logement. « Déperfuser » la politique du logement au profit :

  • d’un fléchage progressif des crédits de l’État sur des secteurs à projets pour soutenir autrement et plus efficacement la construction, oui pour sortir de ces zonages souvent incompréhensifs et à l’encontre des développements locaux
  • d’un Revenu Universel d’Activité qui absorberait une partie des aides aux logements, pourquoi pas tester mais attention à ne pas vouloir tout supprimer ;
  • une réorganisation du logement social, mais pourquoi ne pas reconnaître la qualité « sociale » du logement, qu’il soit en accession ou en location, lorsque son occupant est éligible au logement social . Car c’est bien le logement qui est social ? Pas celui qui le construit ou qui le possède ?

Pour conclure sur le futur projet de Loi de Finances, j’espère au passage qu’elle ne réduira pas encore le peu d’aides encore effectives le temps, pour toute l’économie du secteur, de s’adapter et de ressentir les effets de votre nouvelle politique.

J’en ai fini, rassurez-vous, de mes revendications, mais vous connaissez tous la citation de Monsieur De Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur… il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ».

Je me devais de vous faire part des attentes de la profession qui, je peux vous le garantir, ne demande qu’à vous aider à répondre aux demandes et aux aspirations des Français, et à donner les moyens à tous les territoires de tirer leur épingle du jeu. Nous serons toujours à votre disposition pour travailler, avec pragmatisme et responsabilité, sur ces sujets. Mais nous sommes des chefs d’entreprises : il nous arrive d’avoir la tête dans les étoiles, mais nous avons le plus souvent les pieds dans la glaise !

En d’autres termes, Monsieur le Ministre, le moment est venu de créer l’étincelle pour mobiliser tout un secteur à vos côtés.

Je vous remercie de votre attention.

Pascale Poirot

 

La réponse de Julien Denormandie,

Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Cohésion des Territoires

 

 

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